Interview : Jean-Daniel Demarez, archéologue


Comment votre goût pour l’archéologie est-il venu ?

Au départ, j'étais intéressé par l'histoire. Mais si j'avais fait un master dans cette branche, il n'y aurait guère eu que l'enseignement comme débouché. A l'époque, cela ne m'intéressait pas vraiment. En outre, dès l'âge de 16 ans, j'ai participé comme bénévole à des chantiers de fouilles, et cela me plaisait beaucoup. C'est ainsi qu'après l'enseignement secondaire, je me suis inscrit en faculté des Lettres, pour l'obtention d'un diplôme en "archéologie et histoire de l'art", option "Antiquité"


Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui aimerait être archéologue ?
Avant de s'orienter vers ce type d'études, il faut être conscient des difficultés qu'il peut y avoir à trouver un emploi stable dans cette profession. Il s'agit souvent de contrats à durée déterminée liés à un chantier en particulier. Entre deux contrats, il y a fréquemment des périodes de chômage. En outre les chantiers sont parfois fort éloignés du domicile et nécessitent parfois de loger sur place ou à proximité durant la semaine. Ce n'est pas toujours facile à concilier avec une vie de famille. Personnellement j'ai eu la chance de travailler 25 ans dans ce métier, dont 21 ans sans discontinuité. Mais mon poste est supprimé pour la fin de cette année et il va falloir que je pense à une reconversion.

Il faut aussi se rendre compte que l'archéologie au quotidien est moins spectaculaire que ce que l'on voit dans les documentaires. Il s'agit davantage d'un travail d'enquête pluridisciplinaire qui s'effectue pour une bonne partie en laboratoire. Le but est, au départ d'objets fragmentaires souvent mal conservés et de quelques vestiges pas toujours magnifiques (fossés, trous de poteaux), d'interpréter un site, expliquer sa nature (habitat, structures artisanales ou militaires…) et de le dater
Pour donner quelques exemples: 1) l'étude de graines carbonisées permet de voir ce que l'on consommait et de jeter un œil dans les techniques agricoles; 2) si des échantillons de terre contiennent une forte teneur en phosphate, c'est lié à la présence d'animaux, et on peut interpréter le bâtiment que l'on a fouillé comme étable ou écurie; 3) la détermination d'une roche, par exemple les meules en grès des Vosges ou en basalte rhénan, permet de retracer des relations commerciales; 4) L'étude d'ossements humains donne beaucoup de renseignements sur l'état de santé d'une population à un moment donné, en mettant en avant la fréquence du rhumatisme, de l'arthrite ou des carences alimentaires.

Enfin, avant d'entreprendre des études d'archéologie, le mieux est de commencer par des stages, soit en s'adressant à un service archéologique proche de chez soi, soit en consultant certaines revues comme "Archaeologia", qui publient peu avant les vacances la liste des stages disponibles (pour la France essentiellement).

Qu’est-ce qui vous plaît dans l’archéologie ?
Ce que j'ai évoqué justement: le travail d'enquête, la possibilité de reconstituer le cadre de vie d'une population, ses activités, ses relations commerciales, son état de santé et son espérance de vie, ses croyances et ses rites funéraires…  La possibilité aussi de voir des évolutions sur le long terme, à travers différentes périodes.

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?
Aucun en particulier. En gros, j'ai été satisfait chaque fois que dans une publication, en publiant un site ou en abordant différentes problématiques, j'ai pu apporter quelque chose de nouveau. Je me serais beaucoup ennuyé si mon travail avait été répétitif.

A quelle période vous intéressez vous le plus ?
A l'époque romaine en Gaule. La civilisation gallo-romaine est très originale. Elle reste profondément celtique, jusque dans le plan des établissements ruraux (plus de 90 % de la population vivait à la campagne, dans des fermes isolées, distantes de 2 à 3 km). Ceux-ci restent conçus sur le modèle gaulois. La nouveauté, c'est que l'on construit en pierre et plus en bois, et que l'on décore sa demeure de peintures murales et de mosaïques, "à la romaine". Mais seul le mode d'expression à changé. La conception des plans reste ancrée dans la tradition.

Quelle est votre spécialité en archéologie ?
Le thème des établissements ruraux en Gaule. Et les objets que l'on y trouve: la céramique, le mobilier métallique et les monnaies. Mais la numismatique, c'est déjà un autre monde !

Commentaires

  1. Bravo pour ce témoignage qui rend bien compte de la réalité de ce métier passionnant.

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  2. Jean-Daniel a toujours été un homme passionné. Je confirme son appétence pour le terrain dans sa jeunesse . Qu’est ce que je serait heureux de le retrouver comme ami et President d’archeolo-j qu’il a si bien connu.

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